Je me souviens...
Je me souviens d'une peau mince et fragile
comme l'origami d'une feuille de soie.
Je me souviens d'une démarche fragile,
de pas hésitants, de cheveux blancs,
d'un front ridé au sommet d'un dos vouté.
Je me rappelle des doigts qui trépignent,
dont celui courbé par les points de couture.
Ils prolongent le bras, furtivement,
pour aller chipper la blanche au centre de la table,
au su de tous, aveugles souriants.
De ces doigts d'origami coulent, brunes et usées,
des billes, longue chaîne par le temps polie.
Elles tombent une à une,
filent entre son index, mal-aimé,
poussées de son pouce, agile;
une pause sur la croix qui passe.
Ses lèvres murmurent des mots,
les pensées pour tous,
les prières.
Puis elles s'étiolent en cascadant
sur les feuilles minces, usées, des “
Prières”
serties de cuir embossé, cousu.
Tôt aux premières lueurs du jour,
ou aux dernières levées
des voiles de velours de la nuit.
Elle marche, presque discrète,
petite souris qui s'affaire
range, lave, réveille la table
sous la nappe à carreaux.
Puis elle épouse le contre-jour de la chaise
se berce devant le tableau de dehors,
où s'immortalise l'hiver et la congère
depuis le coin de la maison
ou le mur de vert cèdre,
selon la saison de l'exposition.
Le rire, les gestes, l'étincelle
qui flambe dans le coin de l'iris,
des témoins de sa jeunesse, de sa détermination
prisonniers, un peu, de ce vieux corps.
Et les mélodies de Mandeville, Danielson, St-Gabriel,
partout sur les murs, rebondissent,
les mélodies d'Odila, Claire, Hervé, Doris, Irène, Gérard, Lise et le silencieux.
Dans l'écho s'amplifient,
les éclats des dix petits et 5 arrières que tu as connus.
Quoi d'autre faut-il encore
pour démontrer,
ce que je ressens,
vide.
Il y a l'autre, le générique
pour les masses, avec une majuscule.
Puis il y toi, juste pour nous.
Toujours suspendue,
contre la nuit,
percée d'étoiles.