Sunday, February 28, 2010

sexprimer

Connaissant ce que je dois exprimer,
j’ai très peur de perdre cette douce réalité
qui commence à peine à m’entourer.

SB
E: 17 juillet 99


ABAABAAAAABAABAAABBBAABAABAAAAABAAAABBAAAABAAABABBABBABABBAAAAABBABBABBAAAAAAAABABAAAAABAAABBAAABBABBAABBABAAABAABAAABAAABABAABABAAABAAABABBAABAAABBAABAABABAABAAABAAABABAABABAAABAAABABBAABAAABBAABAABABAAABAAAAAABBAABAAABABABBABBABBABBAAABAAABBAABAAAB

Bref



C'est lorsqu'on se croit enfin maître de sa
destinée
que le grand pendule nous frappe ...
pour que nous reprenions notre mouvement
de balancier.

SB
E: 7 novembre 1997

Friday, February 19, 2010

Victoria

NDL: ... véçu !


Aussitôt en mer, je me suis élancé à la poupe pour saisir du regard les cristaux étincelants que le soleil jetait dans le sillage et pour laisser l'air salin festoyer dans mes cheveux. J'avais 14 ans. La tête pleine de rêves, mon regard glissait sur les pentes verdoyantes de l'île que nous quittions qui se retirait peu à peu derrière une autre île de l'archipel que nous traversions. Je me plaisais à regarder le paysage s'effacer dans le sillage du navire qui nous ramenait au continent. L'écume blanche, agitée, pleine de vie s'animait en tumultueux vortex qui traçaient le passage du navire en s'élargissant vers l'horizon.

La beauté du moment m'enivre. Le vent s'essoufflant peu à peu fait lentement place au crépuscule. L'air fraîchit puis change de sens pour marquer le pas de l'exil du soleil. Le roi déchu sous les ardeurs redoublées de ses sujets traverse les dernières couches nuageuses pour saluer une dernière fois la foule avant de partir, expatrié. Qu'il est majestueux et brillant. Cependant, lorsque ses rayons rougeoyant viennent allumer les Rocheuses, c'est son public qui est transporté sous les feux de la rampe.

Le navire aussi assiste au spectacle. Voguant tranquillement sur les flots endormis, mon traversier semble s'arrêter pour permettre à mon coeur d'enfant de battre en cadence avec ces derniers applaudissements. Mes yeux agrandis par l'émerveillement, éblouis par la longue traîne dorée qui s'ébat dans le sillage du navire, se ferment. Je me retourne et embrasse du regard les pics escarpés, oranges, qui pointent au ciel en ovation debout devant la richesse et la qualité de la prestation qui leur est offerte. Mes paupières se ferment, les rideaux se baissent, la tranquillité et la sérénité de la nuit sur l'océan s'emparent de moi.

Lorsque j'ouvre enfin les yeux, un spectacle tout aussi ravissant et charmant m'est offert. Deux grands yeux d'un brun profond sont tournés vers moi. Calmes et sensuels ils ébranlent mon coeur. Ils sont posés sur moi, fixes. Mon regard est obnubilé par le scintillement de ces joyaux. Sur ces toiles peintes par un très grand maître, je vois briller les éclats orangés du soleil couchant. Ces deux tableaux je m'en suis épris dès ce moment. Un léger mouvement de ses fenêtres sur notre intérieur me rappelle que tout est bien réel, me rappelle où je suis. Une grande timidité se répand alors dans mon esprit. Le choc est si fort, la surprise si soudaine et la beauté si grande que je ne puis continuer de la regarder. C'est plus fort que moi, je me sens indécent. Je détourne le regard.

C'est alors que m'assaillent une horde de questions, d'empêchements, d'obstacles à franchir qui gênent la passion naissante. Je me rends compte que je suis à l'autre bout du pays, que je ne parle assurément pas sa langue. Comment faire ? Lentement, comme si un second regard avait pu me tuer, je tourne lentement ma tête. Je parcours du regard l'horizon parsemé d'îles aux forêts protégées puis pose mon regard une seconde fois sur elle. En fait, cette seconde fois je faillis me noyer dans la pureté de ses joyaux.

Je me trouve voyeur... puis,... ridicule. Je suis appuyé sur le bastingage à l'extrémité arrière du navire. Elle est à ma gauche, à quelques pas. Mais tout un monde nous sépare. Je suis voyeur puisque j'ai osé soutenir son regard pendant un court instant. J'ai osé pénétrer dans son esprit pour y découvrir qu'elle était douce et sensible. Plus que sensible, j'y ai vu qu'elle était délicate. À la façon dont elle a fermé les yeux, doucement, sensuellement, il ne peut en être autrement.

Cette beauté m'attire, je dois revoir ces yeux mais la pudeur m'en empêche. Je sens son regard posé sur moi. C'est là que je me sentis ridicule. Comment puis-je même penser que son regard s'attarde sur moi ? Je ne suis qu'un maigre et chétif petit garçon. De toute façon elle est sûrement déjà partie. Le bruit du vent nous isole chacun dans nos bulles sur le pont. Je me risque, je tourne un peu le cou, penche un peu ma tête pour voir sans être vu, pour que mes mouvements soient imperceptibles. Lentement, sournoisement comme un félin guettant sa proie, mes yeux quittent l'océan, glissent sur la rampe, la suivent vers la gauche jusqu'à ce que j'aperçoive son bras. Il est si mince, si frêle, si blanc, si délicat, ... si beau. Je lève lentement les yeux. Mon regard glisse sur son coude, finement ciselé; s'attarde sur son épaule, patiemment modelée; s'envole sur son cou, habilement travaillé; s'emballe sur son oreille, lentement façonnée; s'émerveille sur sa joue, longuement poncée. Sa beauté me pétrifie. Son divin regard posé sur moi, sa tête inclinée, ses cheveux courts, droits, d'un noir profond, m'interdisent tout mouvement. Je ne puis qu'apprécier, qu'aimer. Mais qu'est-ce que l'amour à 14 ans où tout se vit si intensément ? C'est un coup de foudre assurément. L'instant est bref mais tellement intense. C'est l'une de ces conversations du regard, muettes mais qui disent tant. C'est elle qui se défile cette fois. Lorsqu'elle se détourne je comprends qu'elle partage les mêmes sentiments que moi, la même gêne, la même peur du rejet.

Durant les quelques secondes de répits que m'offrent ses étincelles de vie je laisse mon regard glisser, avec tout le respect qu'une princesse mérite, sur elle. Elle est frêle, menue, toute jeune, comme moi. La finesse de son corps s'harmonise parfaitement avec la délicatesse de ses yeux. La crainte qu'elle me surprenne à l'observer et qu'elle croit que je lui manque de respect me fait tourner la tête vers le large, le couchant. Il a perdu bien du panache le roi du ciel. À demi enfoncé dans l'eau il reste bien peu de sa puissante clarté. Il sait toutefois nous émerveiller en lançant au ciel, sur les nuages et sur l'eau toute sa palette de couleurs. Comme un peu timide il rougit, sensible aux beautés qui l'entoure. Mais mon vrai soleil est ailleurs, tout près de moi. J'ai si peur de faire un impair, que ce doux rêve s'évanouisse. Je suis si jeune, sans moyens, sans expérience. Mes idées confuses s'entrechoquent et aucune ne semble vouloir guider mes premiers pas. Que puis-je lui articuler que mon regard ne saurait mieux transmettre ?

Elle est d'une autre culture, d'un autre coin du monde. Je tourne délicatement la tête, sans me cacher cette fois. Mes yeux balayent l'horizon et nos regards se croisent encore. En même temps, cette fois, nous avons cherché contact avec l'autre. L'allégresse nous envahit, la crainte aussi. Faire durer cet instant semble une entreprise impossible. Cette peur des premiers pas me semble aujourd'hui ridicule, mais l'amour à cette époque avait raison de mes moyens. Mes pieds étaient figés, mes bras, mon corps, si lourd. Seule ma tête pouvait tourner, seul mes yeux pouvaient crier.

Un bruit sourd me sortit de ma torpeur. Le traversier arrivait au port. Une voix forte mit fin à l'enchantement. "Viens, Sébastien, nous devons retourner à la voiture !" Mon regard pour la première fois passa rapidement dans le sien avant que je regarde ma mère. Debout dans l'ouverture de la porte, elle me signifiait que le temps pressait. Mécaniquement, je me mis en marche. Mon cerveau, tout bouleversé encore de la fin abrupte du rêve, était servile. Sans trop comprendre pourquoi je me suis avancé vers la porte et je l'ai franchie sans regarder en arrière.

Une fois à l'intérieur, suivant ma mère, toute la scène repassa dans ma tête. Ce rêve, cet heureux moment, morceau de paradis se faisait déjà loin. Un nuage gris obscurcissait mon regard. Dépité de n'avoir rien pu faire, de n'avoir pu m'abreuver une dernière fois dans son regard, un profond regret, une amère tristesse se répandit dans mon esprit. Je marchais comme une machine, l'esprit loin du corps, les yeux vagues, sans vie... rêvant encore... lorsque je la revis. Au travers de la fenêtre, parmi le flot de passager regagnant leur voiture je la vis, entourée, elle aussi, de ses parents. L'urgence du moment, l'espoir d'un dernier regard s'empara de moi.

Mon esprit se connecta à mon corps injecté d'adrénaline et, tout fébrile, aimant, je me suis élancé vers la fenêtre comme pour lui souhaiter un dernier "au revoir", celui que j'aurais dû lui adresser en quittant le pont. Je me suis arrêté face à la glace puis de la main je l'ai frappé jusqu'à ce que les bruits attirent son attention. Nous avons uni nos regards... tant fut dit en un si court instant. Mon corps figé se nourrissait de l'éclat de ses yeux en amande. Ma main, mécanique, oscillant de gauche à droite, ouverte... pantois. Une foule de gens coupa notre regard... Le coeur battant, cherchant une éclaircie, je m'impatientais. Je voulais, je désirais tant la revoir... une éclaircie... vite... ma mère revenait sur ses pas, me chercher. Elle m'interpellait... que faire ? Je pus enfin voir le pont... elle n'y était plus. J'ai regardé à gauche,... personne. À droite... elle y était. Elle courait. Je n'étais pas pour rater cette occasion. Dussé-je passer sur ma mère! Je me suis élancé, je me suis faufilé entre les serres de ma mère... et j'ai couru.

Au fond de la grande pièce, un grand corridor avec des escaliers partant dans tous les sens permettait de rejoindre les divers niveaux du bateau. Regardant à gauche, à droite, en haut, en bas, je cherchais frénétiquement un éclat qui puisse me montrer le chemin de ses yeux. J'ai regardé derrière moi, ma mère s'en venait, à toute allure. J'étais sur le bon chemin mais elle allait me saisir dans ses tentacules et m'emmener loin de mon rêve, de mes espoirs, dans l'enfer puant où était notre voiture. Sortie de nulle part, au moment où ma mère saisissait ma main, au moment où je n'y croyais plus, ma jeune flamme me fit face, tout près de moi, à la portée du coeur. Entraîné par ma mère qui n'était pas témoin de la scène, je me sentais tiré par le Maelström vers une mort atroce du coeur.

Elle s'avança, plongea ses yeux dans les miens, sans peur, si confiants. La mer s'apaisa; l'accalmie se fit; le soleil surgit d'entre les nuages. La paix et la sérénité revinrent. Face à face, les mots que nous ne pouvions exprimer circulaient dans notre regard, son visage s'inscrivait, indélébile dans ma mémoire. Elle leva le bras et sa main délicate glissa doucement sur ma joue. Tout en soutenant mon regard elle laissa sa main parcourir le côté de mon visage, toucher mon coeur. Puis elle disparut. Le noir se fit... Le Maelström gagnait. Hypnotisé, je suivis son regard aussi longtemps que je le pus. Un sourire, un clin d'oeil scellèrent le moment pour l'éternité. Je venais de goûter l'amour. Un amour pur, intense, éphémère.

Lorsque je sortis de mon engourdissement nous faisions route. Le roi du ciel avait cédé sa place à une multitude d'acteurs se disputant le ciel noir. Les Rocheuses, public endormi, étaient à peine visibles. Cependant, même dans l'ombre, la magnificence de ces géants endormis plaisait aux yeux. C'est comme cette expérience. Après toutes ces années, malgré l'ombre du temps, le moment se savoure toujours.

SB:
E: 16 mars 1998

Thursday, February 11, 2010

Noir, gris et argent

Dès qu'on me serre la tête

comme le sable pressé
dans le poing,
je fluide par toutes
les interstices,
les petits replis d'entre les doigts,
d'entre les trous de peau.

Je cours cogner à la porte
des jupons de cette vieille nonne
à travers qui je pourrai
raconter tout haut
et des grains beiges m'extirper.

Alors elle beugle pour moi
déchirant le mur du son,
le mur des non-dits,
avec pour seule arme, sa tunique,
noire;
son gilet de laine tricoté,
gris
et le seul dentier qu'il lui reste,
celui d'en haut, serti de sa dent
argent.

Derrière elle dès lors
je me sens braveux
qui porte son coffre volumineux
avec ses mains campées
dans le renflement de ses hanches,
adipeuses.

Je peux tout dire
alors qu'elle crisse
et que les droitures décrissent
fuyant sans regarder derrière,
comme un gamin, terrorisé.

Ses paroles marquent
elles portent au visage
comme l'odeur des postillons
ou la couleur du sang,
noir, indélébile.



SB
E: 2010-02-10