Sunday, November 29, 2009

Loup Gris



Loup
solitaire
des grandes
solitudes
oubliées,
des espaces
balayés,
des forêts
cicatrisées.

Cris en silence,
pleure,
nul n’y pense.
Meurs
on t’oublie.
Poussière
tu es reparti.

SB
E:

Monday, November 23, 2009

L’Inde à vélo



Pour moi l’Inde c’est comme lorsque j’ai appris à faire de la bicyclette. Cet été de mes 6 ans où j’avais reçu ce beau bicycle « gold » avec un siège banane. J’étais tout excité devant ce bolide de grands qui allait certainement impressionner plus d’un copain. Au début c’est épeurant. J’étais bien content d’avoir des petites roues. Tout est nouveau, tout va trop vite. Aucun de mes repères ne semblait trouver prise pour m’ancrer solidement et me dire par où commencer. Mes réflexes de tricycle n’étaient plus du tout adaptés! Je trouvais ma monture haute et chancelante (toujours à tanguer sur une petite roue ou une autre). Chocs après chocs, je tombais et retombait. Je me frappais, je me faisais mal. Je ne voulais plus apprendre.

Les odeurs d’urines, les pauvres et éclopés partout sur la rue, sur les trottoirs; la densité de gens, partout, peut importe où l’on essaie de se « cacher », la folie des chauffeurs d’autobus, d’auto, de vélo et de rickshaw, la bureaucratie, la pollution, les maladies, l’insalubrité, la décrépitude des trottoirs, des maisons, des palais…

J’en suis même arrivé à douter. Qu’est-ce que les gens peuvent bien y trouver de plaisant? Il doit y avoir autre chose, quelque chose que je ne comprends pas car ils sourient et semblent prendre plaisir à circuler à vélo. Je reluquais mon tricycle…

On réessaie! C’est plus facile. Je sais que ça ne compte pas avec les petites roues, mais au moins je roule, Na!

Alors on s’exclame devant l’explosion de couleurs, d’affiches et de building. Des vieux édifices publics aux forts accents coloniaux, des boutiques de rue si petites qu’à faire du lèche vitrine on risque d’embrasser le vendeur, aux taxis Ambassador tout droit sortis des années 30. Des couleurs bien à eux, des couleurs nouvelles, des formes connues dans un ensemble tout nouveau.

Un bon matin en se levant, une folie m’a prise. Je suis allé dans la cuisine endormie du samedi matin. D’un regard décidé j’ai fixé mon père et je lui ai dit : « Papa, aujourd’hui je veux apprendre à faire de la bicyclette comme un grand! Je veux enlever les petites roues de sur ma bicyclette. » Ça semblait aussi simple que ça.

Paf, je tombe! Je tombe malade. Bienvenue les colliformes avec votre fièvre et la diarrhée par les 2 bouts.

Le plaisir semble bien loin ;-)

Mon père avec sa grosse main a pris l’arrière de ma bicyclette dorée. Je tangue à en attraper un mal de mer, je me fiais sur la main forte, rassurante qui me remettait d’aplomb. Tout semble rouler depuis quelques instants. Je regarde par dessus mon épaule, juste derrière, pour lui sourire et l’inciter à ne pas me lâcher… et je le vois loin, là-bas derrière… j’avance seul. Et Paf, je tombe encore! Dans le piège du vendeur déguisé en guide d’information touristique, paf, j’arrive à la fin du bout de la queue après avoir « laissé passer » tout le monde…

Mais j’ai réussi. Je sais que je suis capable! C’est là que le fun commence. Je relève tranquillement la tête et je commence à prendre plaisir à rouler. La vitesse, le vent dans mes blonds cheveux, les gens, les sourires, leur accueil spontané, sincère et chaleureux. La curiosité toujours pour nous connaître un peu plus et nous remercier d’être venus voir leur pays nous qui venons d’un si beau pays.

On compte beaucoup plus de journées de plaisir à mesure que l’on prend l’habitude et de l’assurance. Je peux sentir maintenant ce qui faisait sourire les gens à vélo, je peux sourire moi-même.

Car je suis émerveillé par cette culture vieille de 3000 ans qui a su influencer le monde et incorporer ce que le monde lui a retourné. Car je suis enivré par les odeurs d’épices, si variées, en pleine rue, à chaque bouffé d’air chargée de saveurs de curry, de muscade, de poivre, de chai et de cumin. Car je suis embalé par ce peuple, ses coutumes, ses saris et ses mets variés d’une région à l’autre, du nord au sud et de l’est à l’ouest. Ses purry, ses tandoori, ses biryanis, les lassis, ses thalis et ses idlis.

De temps à autre ma trop grande témérité me plonge à nouveau sur le bitume, comme cette fois où j’ai voulu sauter avec une planche mal installée sur un bloc de ciment un peu trop immobile. Et cette fois encore où j’ai mangé ce que je n’avais ni commandé ni espéré.

Mais dans l’ensemble je souris. Et je connais maintenant mon vélo, les règles qu’il faut respecter pour qu’il continue de bien rouler en me gardant bien en selle et je connais mes capacités. Je peux donc explorer autant que je peux endurer de crampes dans mes mollets fatigués.

Je connais les règles du jeu ici désormais. Une nation plus vieille, beaucoup plus complexe que ce que j’ai visité que je peux désormais apprivoiser selon mes goûts et mes intérêts. Un autre voyageur ira par des chemins bien différents cueillir d’autres expériences qui l’emballeront tout autant. Cependant, nous aurons tous pris le temps d’apprendre à pédaler. L’Inde doit s’apprivoiser une côte à la fois au cours d’une longue randonnée. Ce n’est pas un pays que l’on peut sprinter. Les mystères du Rajasthan, de l’Hindouisme, des castes et du Kamasutra sont les prochaines avenues que j’emprunterai car je sais que peu importe les côtes à monter, mes cuisses pourront supporter les gorges et les cols escarpés de ces contrées non encore visitées..

Aujourd’hui, est-ce que vous accepteriez de renoncer aux plaisirs du vélo? Et la beauté de ce sport ne réside-t-elle pas dans le fait que tu ne sais jamais quand un caillou se plantera sous ta roue?

Sébastien Barrette
E: 15 janvier 2003

Sunday, November 8, 2009

10 fois plus, 10 fois rien




Inde, Kolkata,
99 roupies.
Je m’attendais
à 9 roupies.
10 fois plus,
surpris, débalancé
j’hésite, je me réfugie
derrière un refus
qui semble facile
qui paraît sans conséquence.

Son regard dans le mien
je regarde Marie,
nous sommes d’accord.
J’achète le lait
qui nourrira
le 7e et dernier né
dormant sur le pavé.

Au cœur de cette cité
aux milliers d’éclopés,
de mal-aimés, de mal chanceux.
Vivant sur la rue
ne connaissant pas mieux,
toujours, tous les jours, un seul but
survivre.

Pourquoi donc eux plutôt que ceux d’à côté
que ceux de l’autre côté du globe miniaturisé?
Parce qu’ils nous ont sollicités?
Parce qu’ils nous ont croisés?
Parce qu’elle s’est levée
pour nous accompagner.
Parce qu’elle a su nous toucher.

Cette histoire, comme les autres
cette histoire plutôt qu’une autre
parce qu’il faut bien commencer
à s’entraider plutôt qu’à regarder.
Parce qu’il faut bien évoluer
et commencer à cesser de consommer,
seulement,
pour commencer à partager.


Une goutte d’eau dans l’océan.
Oui, peut-être.
Mais une goutte pourtant
qui sera celle-là éventuellement
qui fera déborder l’océan.

Quelle histoire allez-vous nous raconter
ce Noël lorsque nous arriverons chez vous ?

Le cœur au partage, à l’amour,
la tête en fête, euphorique
le corps bien emballé, bien repassé.
Les bras pesant de présents
achetés pour démontrer
que l’on ne s’est pas oublié
malgré l’année passée
à poliment s’ignorer
sans se visiter.
… besoin de se déculpabiliser?

Et si l’on prenait plus de temps
à aller, à venir, à s’asseoir, à sourire.
Et si au lieu de dépenser de l’argent
nous dépensions du temps ensemble,
en famille simplement
laissant du temps, de l’argent,
de ta créativité nous ouvrir les chemins
de l’entraide vers ceux qui en ont besoin.

Un repas, une couverture, une soirée
partagée avec un humain, un ami
ceuilli au bord du chemin.
Notre petit bonheur ou le sien?
Disons le nôtre.
À petits gestes vers un demain
main dans la main.

Chacun sa façon, la tienne qui te convient
prend seulement action vers l’autre
plus que vers le magasin.
Soit humain et non sans dessein!

SB
E: 8 décembre 2002
Kolkata (anciennement Calcutta)