Mamoushka, poupées gigognes, poupées russes. On les trouve partout dans les étalages de Moscow à Warsaw en passant par Bratislava et Sofia. On les reconnait facilement à leurs couleurs vives, leurs courbes rondellettes, leur appartenance au passé qui n'en finit plus de s'accorcher au présent des touristes qui viennent acheter ce morceau d'exotisme que chez eux ils ne peuvent trouver aussi bon marché.
Les mamoushka que j'ai en tête, cependant, ne peuvent être achetées. Ce sont toutes ces vieilles grands-mamans de la Pologne, de la Slovaquie rurale. Celles-là que l'on reconnait facilement à travers la foule. Petites, trapues, les jambes arquées comme si elles avaient passé leur vie à chevaucher. On aperçoit de loin leurs couleurs vives dépareillées. Leur foulard qui cache tout leurs cheveux, arrangé en fichu qui se termine en pointe parce qu'il débute en noeud sous le menton. Avec leur gilet de laine aux boutons tendus jusqu'à leur point de rupture qui sculpte leurs corps solides comme des billots. Consciente de la mode, sexy, elles laissent toujours le gilet s'ouvrir d'un ou deux boutons en bas pour bien couvrir la naissance de leurs hanches. Toujours elles ont leur jupe à plis français qui jaillissent sur leurs hanches comme l'eau d'une cascade. Sans oublier les bas de nylon beige opaque et l'indispensable sac à main pour les courses. C'est un tout. Il faut toutes ces parties, et il faut aussi le visage tout rond, ridé, craquelé par le soleil, le temps et le travail. ainsi que le grand sourire accueillant que les éléments n'auront pu effacer. Mais il faut aller les trouver, chez elles, car cher ou bon marché on ne les trouve plus dans nos cités.
SB.
E: 18 mai 2003 - Bratislava, Slovaquie
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